Julie Villard et Simon Brossard,
accompagnés de dessins de Hans Bellmer
Hans Bellmer est né en 1902 dans l’actuelle Pologne. Julie Villard et Simon Brossard en 1992 et 1994 en France. Entre ces deux rivages, la traversée est géographique, temporelle, elle entraîne des mutations matérielles et des révolutions sociales, des changements d’habitudes. Rien n’est identique sur ces deux rives à l’échelle du groupe comme à l’échelle de l’individu. Entre les échanges épistolaires sur la poupée grandeur nature qu’Oskar Kokoschka voulait se faire fabriquer pour le consoler de sa rupture amoureuse et l’imagerie gastronomique, l’esthétique post-industrielle et les références aux cartoons et au cinéma des années 80, la dérive est vertigineuse. Pourtant, de ces deux berges jaillit un désir glouton pour les délices du corps, une érotisation de l’anatomie - humaine ou pas d’ailleurs - à partir de formes toujours étirées, courbées, brutalisées, fétichisées et perverties. Les bêtes ou plantes exotiques de Julie Villard et Simon Brossard dévoilent leurs appétit carnivores en même temps que leurs orifices, leurs bouches, leurs yeux ou leurs mamelles, dans une explosion anatomique. Le bar aux reflets couleur pétrole accompagne cette ivresse. On a faim comme on a soif. Autour, les anamorphoses humaines ou organiques de Bellmer nous rappellent que quand on a faim et soif, la mort n’est jamais loin. Asséchées mais voraces, les créatures à l’œuvre ici cherchent à vampiriser d’autres espèces dans un désir insatiable d’hybridation. Les yeux rouges, fatigués, continuer à nager pour rejoindre l’autre rive.
- Elisa Rigoulet